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NUMERO
7 : AUTOUR DE RAWLS (2003/1) Véronique MUNOZ-DARDE : Le partage des raisonsRésumé : Pour
une théorie de la justice comme équité, l'accusation
la plus dommageable est celle selon laquelle les prémisses normatives
de la théorie seraient d'emblée inéquitables. Or
c'est précisément un doute de ce type qui fut formulé
dès la publication de la Théorie de la justice, et qui conduisit
en particulier Thomas Nagel à demander si la liste des biens premiers
distribués par les principes de la justice rawlsiens aurait été
élaborée à partir de prémisses biaisées
et inéquitables. C'est cette critique qui nous occupe, avec une
attention particulière à la réponse apportée
par Rawls dans ses derniers écrits et dans sa définition
d'un libéralisme dit « politique ». Alors que la plupart
des critiques ont considéré que Rawls opérait un
retrait, limant de sa théorie beaucoup de ce qui la rendait ambitieuse
et égalitaire, au profit d'une plus grande attention au pluralisme
des valeurs, il faut au contraire voir dans cette évolution la
volonté d'approfondir l'intention libérale initiale de la
théorie rawlsienne de respecter les individus et les différences
individuelles. Le libéralisme politique part des raisons que nous
partageons, quelle que soient nos valeurs et notre conception de la vie
bonne, pour construire un cadre de justice dans lequel nous puissions
tous nous épanouir. Il vise donc à réconcilier l'attrait
de l'égalitarisme avec le respect dû à chaque personne
en étendant la sollicitude à l'égard de chaque personne
à l'exigence de justification égale des principes de justice
aux individus. The most serious charge against a theory
of justice concerned with equality is to accuse it of resting on normative
principles which express inegalitarian sentiments. A common criticism
of Rawls's list of primary goods in A Theory of Justice is that
it fails in precisely this way. Nagel complains that Rawls's theory presupposes
a liberal bias in its premisses which is reflected in the conception of
primary goods to be distributed. The aim of this paper is to explore the
Rawlsian response to this critique and thereby to explain the import of
the shift from comprehensive to political liberalism. Where many commentators
have seen this shift in Rawls's theory as a retreat in the face of multiculturalism
and the fragmentation of value, it is more accurate to see the shift as
underscoring the original liberal intentions of paying due respect to
individuals and individual differences. Political liberalism sets out
from the reasons that we can all share, regardless of our particular conceptions
of the good life, in order to construct a common framework of justice
within which all can thrive. It thus seeks to reconcile the attractions
of egalitarianism with proper respect for persons by making the root egalitarian
concern equal regard of all people in the demand to justify principles
of justice. Classification JEL : B31.
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